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Résiliation de bail pour cause de surélévation
Je suis propriétaire d’un immeuble comprenant plusieurs appartements loués depuis plusieurs années à des locataires. Je projette de surélever l’immeuble et d’entreprendre des rénovations conséquentes dans les appartements car bon nombre d’installations sont vétustes. Puis-je résilier le bail de mes locataires en raison de ce projet ? (Armand B., Genève)
Me Anne Hiltpold / 21 Mars 2022 / Immobilier.ch

Lorsqu’on entend donner un congé en raison d’un projet de rénovation tel que le vôtre, l’on parle de congé-rénovation.
 

Il est rappelé que la résiliation du bail pour le prochain terme ordinaire n’exige pas de motif particulier et ceci même si elle entraine des conséquences pénibles pour le locataire.
 

Une telle résiliation est annulable uniquement si elle contrevient aux règles de la bonne foi. C’est au locataire de le prouver en démontrant que la résiliation ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection par exemple.
 

Dans de nombreux arrêts, les juridictions ont considéré que la résiliation du bail en vue de vastes travaux d’assainissement de l’objet loué ne contrevient pas aux règles de la bonne foi. Il en va ainsi même si le locataire se dit prêt à rester dans l’appartement durant les travaux et à s’accommoder des inconvénients qui en résultent car selon le Tribunal fédéral sa présence entrainera en règle générale des complications, des coûts supplémentaires ou une prolongation de la durée des travaux.
 

Selon la jurisprudence, une résiliation fondée sur une rénovation est contestable uniquement s’il apparaît que la présence du locataire ne compliquerait pas les travaux ou seulement de manière insignifiante, par exemple en cas de réfection des peintures ou en cas de travaux extérieurs tel qu’une rénovation de façade ou un agrandissement de balcon.
 

Il s’agit ainsi de déterminer dans quelle mesure la réalisation des travaux envisagés dans l’objet loué serait compliquée ou retardée par la présence du locataire dans les lieux.
 

Selon la jurisprudence, l’élément déterminant pour exclure le caractère abusif du congé réside dans les retards ou les complications qu’entraînerait la présence du locataire durant les travaux. Si de tels retards ou complications ne sont pas à craindre, la réalisation des travaux ne justifie en principe pas le congé. Dans le cas d’une surélévation, selon l’impact sur les appartements se situant juste en dessous, la présence du locataire ne semble pas possible.
 

En outre, le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser que le congé est abusif si le projet du bailleur d’entreprendre des rénovations ne présente pas de réalité tangible ou s’il n’est pas possible d’apprécier l’importance des travaux envisagés, notamment l’entrave provoqué par ceux-ci, sur l’utilisation à venir des locaux loués. Le congé doit également être annulé en raison de son caractère abusif si le projet de construction ou de transformation est objectivement impossible, notamment s’il est certain qu’il se heurtera à un refus d’autorisation de la part des autorisations administratives compétentes.
 

Dans un arrêt tout récent (4A_435/2021) concernant un projet de surélévation refusé, le Tribunal fédéral a encore rappelé qu’il n’est pas nécessaire que le bailleur ait déjà reçu les autorisations administratives, ni même qu’il ait déposé les documents dont elles dépendent. Il s’agit de pronostiquer si, au moment où le congé est donné, l’autorisation n’apparait pas d’emblée exclue. Dans cette affaire, le bailleur s’était renseigné préalablement, soit avant le dépôt d’une autorisation de construire, auprès des autorités administratives qui avaient laissé entendre que le projet était autorisable. Des questions de servitudes entre voisins sont apparues ensuite, conduisant au refus d’autorisation. Une fois les questions de servitudes résolues, le projet pouvait être autorisé, mais ce qui a été déterminant, est qu’au moment où le congé a été donné, le projet de surélévation n’était pas objectivement et d’emblée impossible. Le congé a donc été validé.
 

Il vous appartiendra ainsi de rendre vraisemblable la nécessité d’entreprendre les travaux invoqués et votre volonté réelle de les effectuer. Même si vous n’avez pas encore obtenu les autorisations nécessaires, vous devrez avoir un projet précis et détaillé des travaux envisagés. De vagues intentions ne sont ainsi pas suffisantes.
 

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