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Le point sur la sous-location
Je suis propriétaire d’un immeuble comprenant plusieurs appartements. J’ai récemment constaté qu’un de mes locataires n’habitait plus son logement. Visiblement, il est parti à l’étranger et sous-loue son appartement depuis des années. Que puis-je faire ?
Vincent P, Genève.
Me Anne Hiltpold / 14 Décembre 2015 / Tout l'immobilier
Lorsqu’un locataire veut sous-louer son appartement, il doit demander l’accord de son bailleur. Le bailleur peut refuser de donner son consentement dans un nombre de cas limité, soit notamment lorsque les conditions de la sous-location sont abusives, lorsque la sous-location lui cause des inconvénients majeurs ou lorsque le locataire refuse de lui donner les informations concernant la sous-location. Le seul fait que le locataire n’ait pas demandé au bailleur son accord ne rend pas la sous-location illicite, dès lors qu’il est admis que le consentement peut être donné à postériori et que si le bailleur n’a aucune raison de refuser, la sous-location doit être tolérée. Il n’empêche que le locataire ne peut pas sous-louer sans autres et ad aeternam. Un cas similaire a d’ailleurs été jugé par le Tribunal fédéral récemment (arrêt 4A_316/2015 du 9 octobre 2015).
 
Dans cette affaire, un locataire a pris à bail une arcade et un appartement, puis a transféré son bail commercial à un autre locataire, qui a également repris le bail de l’appartement trois ans plus tard (en 1987), mais sans jamais y vivre car il disposait déjà d’un logement. L'appartement a été occupé par sa belle-sœur, qui payait le loyer directement à la gérance. A la fin de l'année 2004, le locataire a définitivement quitté la Suisse et sa belle-sœur a continué à occuper l'appartement.
 
A un certain moment, la régie a écrit au locataire et lui a demandé des renseignements au sujet de la personne qui vivait dans l’appartement et qui n’était pas titulaire du bail. C’est la belle-sœur qui a répondu que le locataire n'entendait pas habiter l'appartement et qu'elle y avait emménagé, prétendant avoir informé la régie de l'époque. Après plusieurs tentatives pour obtenir des informations plus précises et notamment sur les conditions de la sous-location, une mise en demeure a été envoyée au locataire, en le menaçant de résilier son bail. Suite à cette lettre, le locataire, domicilié en Espagne, a saisi les tribunaux, par le biais d’un mandataire, d’une requête en constatation de droit afin de faire constater que le bailleur l’avait autorisé à sous-louer son bail pour une durée indéterminée. En réalité, c’est la sous-locataire qui avait consulté le mandataire, qui avait obtenu une procuration du locataire. Quoi qu’il en soit, tant le Tribunal des baux et loyers que la Cour de justice ont débouté le locataire, en considérant que la sous-location était abusive puisqu’il n’avait pas l’intention de venir vivre dans l’appartement litigieux, et qu’ainsi, la requête en constatation de droit était également constitutive d’un abus de droit.
 
Sur recours du locataire, le Tribunal fédéral a considéré qu’il n’existait aucun intérêt digne de protection à une constatation immédiate du fait que le bailleur l’aurait autorisé à sous-louer son appartement pour une durée indéterminée. Autrement dit, il pouvait attendre une éventuelle résiliation pour ensuite la contester devant le juge et faire valoir ses droits. Son action a été ainsi jugée irrecevable. Le Tribunal fédéral s’est néanmoins penché sur la question soulevée. Il a constaté que la sous-location avait été autorisée implicitement. Il en découlait par la force des choses que les parties n'avaient pas fixé de durée maximale ou de terme pour la sous-location. Celle-ci était donc de durée indéterminée, dans le sens qu'aucune limite précise n'avait été stipulée. Cela ne signifiait toutefois pas que l'autorisation valait sans aucune limite temporelle, en quelque sorte ad aeternam.
 
Le Tribunal fédéral a en outre rappelé sa jurisprudence selon laquelle la sous-location de l'entier d’un bien n'est licite que si le locataire a l'intention de réoccuper lui-même l'objet loué dans un laps de temps prévisible, intention qui doit résulter d'un besoin légitime et clairement perceptible. De même qu’il a rappelé qu'il fallait être relativement restrictif en la matière pour éviter que l'institution de la sous-location ne soit dénaturée et serve à éluder les conditions de transfert du bail. Car si l'on tolérait la sous-location simplement dans la perspective d'événements futurs incertains, on peut penser que de nombreux locataires, surtout en période de pénurie de logements, n'abandonneraient plus leur droit et on verrait se multiplier la catégorie des sous-bailleurs; on pourrait même imaginer des sous-locations en cascade, ce qui aboutirait à une possession quasiment féodale des biens immobiliers, l'occupant détenant son droit de son bailleur direct, lequel le détiendrait d'un autre bailleur de rang supérieur et ainsi de suite. Une telle situation ne serait ni dans l'intérêt des propriétaires, ni dans celui des locataires. En permettant la sous-location, le législateur n'avait certainement pas en vue des locataires qui s'incrustent dans leur droit tout en ayant quitté les lieux. Cela signifie que si le locataire ayant quitté l'objet sous-loué ne le regagne pas après l'écoulement de son temps d'absence temporaire légitime, la sous-location autorisée pour une durée indéterminée perd son caractère licite. Il a ajouté que la sous-location est d'emblée illicite si, dès la conclusion du contrat de sous-location, le locataire n'a pas l'intention de retourner plus tard dans l'objet loué.
 
Dans ce cas jugé, où la sous-location totale durait depuis plus d'un quart de siècle et où le locataire avait quitté la Suisse dix ans plus tôt, sans aucune intention d'y revenir, il a même considéré qu’une éventuelle résiliation ordinaire du bail serait valable.
 
Dans votre cas, il convient de vous adresser à votre locataire pour lui demander des informations, en lui écrivant à l’adresse du bail. Vous pouvez également vous renseigner auprès de l’Office cantonal de la population qui pourra vous indiquer si votre locataire est toujours domicilié à l’adresse du bail. Si vous avez son adresse à l’étranger, vous pourriez également lui écrire là-bas, voire écrire au sous-locataire. A priori, vous serez en mesure de résilier le bail, si votre locataire n’a aucune intention de revenir dans l’appartement, et d’exiger le départ du sous-locataire, si vous le souhaitez.
 
 
Paiement du loyer par trimestre d’avance
 
Il est rappelé ici que selon le contrat cadre romand, applicable à Genève, le bailleur peut exiger de son locataire le paiement du loyer par trimestre d’avance, à certaines conditions. Il faut tout d’abord que le locataire soit en retard dans le paiement de son loyer de plus de 10 jours. Le loyer étant payable d’avance, il doit être payé avant la fin du mois précédent celui pour lequel il est dû. Ainsi, à partir du 11 du mois, le bailleur peut agir. Il doit alors mettre son locataire en demeure, en lui adressant un courrier recommandé, en lui donnant un nouveau délai d’au moins 10 jours pour payer son loyer, et en lui indiquant clairement que si le loyer n’est pas payé dans le délai imparti, le bailleur exigera alors le loyer par trimestre d’avance. Ce n’est que si le locataire ne règle pas le loyer dans ce délai que le bailleur pourra alors exiger le paiement par trimestre d’avance, et ce dès le mois suivant.

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