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PPE: du magasin de meubles au tea-room
Je suis propriétaire d’un appartement dans une PPE. Un des copropriétaires d’une arcade commerciale veut changer l’exploitation de cette arcade, qui était auparavant louée comme commerce de meubles, pour en faire un tea-room. L’assemblée des copropriétaires doit-elle être consultée et peut-elle s’opposer à ce changement d’affectation? Jean-Daniel P., Genève.
Me Anne Hiltpold / 16 Mars 2015 / Tout l’immobilier
La loi prévoit que «le copropriétaire a le pouvoir d’administrer, d’utiliser et d’aménager ses locaux dans la mesure où il ne restreint pas l’exercice du droit des autres copropriétaires, n’endommage pas les parties, ouvrages et installations communs du bâtiment, n’entrave pas leur utilisation ou n’en modifie pas l’aspect extérieur».

Ainsi, comme son nom l’indique, le droit exclusif permet au propriétaire d’étage d’utiliser et d’aménager intérieurement son unité d’étage comme bon lui semble. Cette liberté d’utilisation est présumée, mais elle peut toutefois être restreinte par des limitations légales ou conventionnelles. Le copropriétaire a également un droit d’aménagement intérieur, qui lui permet de modifier les parties exclusives comme il le souhaite. Ce droit ne s’étend toutefois que sur les parties «intérieures» de la part d’étage, dès lors que s’agissant des parties «extérieures», celles-ci participent à la forme extérieure et à l’aspect du bâtiment.

Restrictions légales au droit d’usage et d’aménagement
Il existe toutefois des restrictions légales au droit exclusif, qui sont imposées par l’ordre juridique.

Certaines règles de droit public fixent par exemple, comme c’est le cas à Genève, l’affectation d’un immeuble et de ses lots (en commercial ou en logement).

De même, l’aménagement intérieur de parties exclusives peut parfois être subordonné à l’obtention d’une autorisation de construire, selon les travaux envisagés. Les propriétaires d’étage sont tenus de respecter ces restrictions dans l’utilisation des parties exclusives.

Par ailleurs, et ainsi que la loi le stipule, les propriétaires d’étage ne sont pas autorisés à user de leurs droits contre les intérêts de la communauté ou des autres propriétaires d’étage.

Dans le cadre de l’administration, de l’utilisation et de l’aménagement de leur partie exclusive, les propriétaires d’étage ne sont donc pas autorisés à restreindre les droits identiques des autres propriétaires d’étage. Il est ainsi interdit de se livrer à des activités industrielles incommodantes dans une propriété par étages affectée à l’habitat, même si l’aménagement du territoire autorise un tel usage, d’exploiter un night-club dans une maison d’habitation, de provoquer des immissions olfactives ou auditives perturbant gravement l’exploitation d’un commerce, d’occasionner des trépidations ou vibrations qui causent des dégâts matériels ou des craintes de la part de la clientèle.

Restrictions réglementaires au droit d’usage et d’aménagement
En outre, la communauté des propriétaires d’étages peut limiter le droit exclusif par le biais du règlement d’administration et d’utilisation, en prévoyant des restrictions dans l’affectation ou la destination des unités d’étage ou en interdisant par exemple certaines activités commerciales. Il est en effet possible d’exclure les activités commerciales qui sont à l’origine de nuisances réelles pour les propriétaires d’étage.

On pense surtout à des activités qui occasionnent des immissions auditives, olfactives ou psychologiques. On peut aussi proscrire des activités commerciales qui, de façon générale, attirent un grand nombre de personnes dans une propriété par étages. Il n’est en revanche pas possible d’exclure toute activité commerciale.

Enfin, l’acte constitutif de la propriété par étages peut également comporter certaines limitations au droit exclusif, en fixant déjà, par exemple, l’affectation commerciale précise et déterminée de la part d’étage. Il convient dans votre cas de vérifier ce que prévoit d’une part votre règlement, et d’autre part l’acte constitutif de la PPE.

A noter que si l’affectation commerciale est prévue, par opposition à celle de logement, sans autre précision, vous ne pourrez déduire aucune limitation ou restriction pour l’activité envisagée par le copropriétaire.

Règles sur les changements de destination
Dans les règlements-types, il est le plus souvent prévu que les copropriétaires ne peuvent pas changer la destination des locaux sans l’assentiment de l’Assemblée générale des copropriétaires. On entend parlà le changement d’habitation en affectation commerciale ou l’inverse. A notre sens, cela ne comprend pas le changement d’exploitation ou d’affectation (de commerce en restaurant). L’affectation en un bar ouvert tous les soirs jusqu’à 2h du matin a toutefois été récemment proscrite par le Tribunal fédéral au motif que le comportement du copropriétaire causait des désagréments à ses voisins.

Le nouveau règlement type édité par CGI Conseils prévoit pour sa part que le changement d’affectation en une affectation qui cause des nuisances et des désagréments importants aux habitants doit être soumis à l’approbation de l’Assemblée des copropriétaires à la majorité double, alors qu’un simple changement d’affectation (soit passer à un autre type d’activité commerciale) n’est pas soumis à approbation.

La question sera de savoir si un tea-room pourrait causer des désagréments importants, ce qui ne semble à priori pas le cas. La situation serait évidemment différente si le projet était de transformer l’arcade en bar.

A première vue, et sauf dispositions contraires de votre règlement, l’Assemblée ne pourra ainsi pas s’opposer à ce changement, mais elle devra être consultée pour tous les travaux portant sur les parties communes (par exemple sur les façades en cas de pose d’enseignes, ou l’ouverture d’une terrasse), tant en ce qui concerne l’aménagement intérieur (s’il y a atteinte aux murs porteurs par exemple) que pour l’aménagement extérieur.

Vous pourrez en revanche, si vous êtes empêché de jouir paisiblement de votre appartement, demander à l’exploitant de prendre des mesures pour faire cesser les atteintes, en cas de nuisances sonores ou olfactives.

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